Hamé: C’est Kateb Yacine qui développait ça. Il y avait eu une polémique un peu vaine dans les milieux littéraires algériens à partir de 65. Kateb fût attaqué parce qu’il continuait de produire en français, qui était la langue du colon. À mon sens il avait clos le débat en expliquant que c’était une sclérose qu’il fallait dépasser, qu’il ne fallait pas voir le français comme un/des leg(s) du colonialisme dans lequel on nous avait enfermé. Mais au contraire, comme un butin de guerre. Je trouve ça d’une puissance conceptuelle terrible. Pour l’engagement politique il y a à la fois du vécu et de la sensibilité. J’ai été forgé par des clivages et des schémas qui m’ont installés dans une condamnation à priori de l’écrasement et de l’assujettissement. C’est une schématique un peu binaire, une grille de lecture oppresseur/opprimé, colon/colonisé. Et puis le contexte social dans lequel j’ai grandi et la présence de la guerre d’Algérie dans ma famille. Mon grand-père était messager. Mon père a cotisé pour des cellules FLN. Quand j’étais petit le premier truc que tu voyais chez moi c’était un portrait de Boumedienne, j’étais persuadé que c’était un membre de la famille, un oncle qu’on irait voir bientôt. Y’ a eu aussi les films qu’on regardait chaque année à la période des commémorations : La bataille d’Alger, L’opium et le bâton, Chronique des années de braise, ou même les comédies où s’il y avait un ton trivial, l’arrière-plan politique était très important. Mais je souligne que mes parents étaient très pacifiques. Ils ne nous ont pas dressé à aboyer des slogans nationalistes.
Em entrevista ao The Chronicles | 25 de Novembro de 2013