sábado, 4 de agosto de 2012

Kateb Yacine por Edgar Davidian


"Textes denses, touffus, véhéments, oscillant entre poésie, réflexion, méditation, note, prose de tous crins et dialogue dramaturgique sont rassemblés ici pour dresser un inventaire exhaustif de l’écriture d’un homme de lettres et d’action qui a su concilier poésie, esprit romanesque et dramaturgie. (...) Beaucoup de poésie libre dans un foisonnement d’images surréalistes (livrée à une cadence et une musicalité toute en intériorité frémissante) sans rimes ni strophes à la métrique rigoureuse, de la prose échevelée, torrentielle et nourrie d’une sève révoltée, des dialogues qui ramènent à Eschyle, Brecht et Rimbaud, mêlant monologues et chœurs, légende et histoire, chronique et mythe, rêve et méditation, constats amers et virulentes dénonciations. Le tout, dans une langue française à la richesse éblouissante, sans voile ni frein, pour raconter le drame de la colonisation et de l’aliénation. Un acte d’écriture certes, mais surtout un acte de bravoure qui lui vaudra la méfiance des systèmes des valeurs bourgeoises et des gouvernements dominateurs aux chars meurtriers, à la mitraille aveugle et au cœur de silex.
Avec ce printemps arabe, souffle de jasmin et de poudre de canon, les mots de Kateb Yacine, dialogue de l’homme avec lui-même et sentiment du tragique de toute liberté bafouée, arrachés à l’oubli, perdus dans le passé et (heureusement) aujourd’hui retrouvés et tirés de l’ombre, s’insèrent et s’inscrivent parfaitement, et avec éclat, dans le houleux clivage du monde arabe actuel. De toute évidence, il y a des héritages inaliénables qu’on ne doit jamais céder au hasard.

Edgar Davidian
"Kateb Yacine, chantre prémonitoire de la révolution du Jasmin",
L'Orient Littéraire nº. 74, Agosto de 2012